L'écologie, la nouvelle charge mentale
De là où j’écris, c’est à dire en 2023 en France, les notions d’éco-anxiété et de charge mentale sont assez couramment utilisées. D’ailleurs hier, le 10/10, c’était la journée mondiale de la santé mentale.
D’une part, la charge mentale est le fait de devoir penser à tout, tout le temps : logement, travail, entourage, soi-même ?, etc. C’est un concept qui provoque beaucoup de fatigue et qui touche principalement les femmes (patriarcat, tout ça tout ça, c’est pas le sujet principal de l’article donc je passe, pour l’instant).
D’autre part, l’éco-anxiété est relative aux émotions d’angoisse, de peur, de colère, de tristesse, etc liées au dérèglement climatique et à la dégradation de l’état de la planète. C’est un sentiment qui touche particulièrement les jeunes.
Vous l’aurez compris, à l’intersection des deux, il y a donc la charge mentale écologique, c’est-à-dire le fait de se soucier des problématiques environnementales, vouloir mettre en place des éco-gestes dans son quotidien, éduquer ses proches, en subir l’impact social, etc. C’est donc un joli jackpot pour les “jeunes femmes” !
Les différentes phases de la charge mentale écologique
Sans avoir fait une étude scientifique sur le sujet, je peux dire que dans mon entourage, et pour moi même d’ailleurs, la prise de conscience écologique, et la charge mentale associée, suivent souvent plusieurs étapes au cours de la vie :
Valeurs
Généralement, il y a toujours un fond de notions écologiques liées à l’éducation (famille ou école) : on tri ses déchets, on éteint la lumière, on ne laisse pas couler l’eau, etc.
Jusque là, la charge mentale écologique nous laisse plutôt tranquille (mais les autres sont possiblement déjà bien là 👋).
Conscientisation
Ensuite, on commence à s’intéresser un peu plus aux conséquences du dérèglement climatique car on en voit des signes dans notre quotidien : médias, proche écolo, catastrophe climatique, maladie, … Et ça peut créer/amplifier l’anxiété qui fait que l’écologie commence à devenir un réflexe de pensée. On devient alors naturellement plus intéressé-e-s par le sujet.
Déclic
Et là il y a un élément déclencheur qui implique que c’est bon, c’est décidé, il n’est plus question que l’écologie soit une problématique secondaire reléguée au fond du cerveau. Il peut être déclenché par un atelier, une discussion, la cuisson d’un tourteau, un challenge écolo entre amis-collègues, le calcul de son empreinte carbone, un podcast ?
Agir devient nécessaire, et on commence alors à se mettre une pression de ouf pour s’améliorer …
Réalisation
Sauf qu’à ce moment là, vu qu’on se met à se renseigner réellement sur le sujet … on se rend compte qu’on est à côté de la plaque en terme d’ordres de grandeur : le vrai problème, c’est sa voiture, sa consommation de viande, son logement, ses voyages, … et qu’il ne suffit pas d’acheter des éponges réutilisables pour contrer le dérèglement climatique.
Bonjour la culpabilité ! On n’avait pas besoin de toi ici !
Motivation
Dérouté-e-s mais en même temps investi-e-s d’une nouvelle mission, on se donne à fond dans son quotidien, tout y passe : on essaie de diminuer sa conso de viande, on s’en veut à chaque trajet en voiture, on arrête d’acheter en masse pendant les soldes, …
Et parfois on se rend compte qu’on commence à être un peu en décalage avec son entourage. Et comment leur en vouloir ? Il y a quelques semaines, on faisait exactement pareil !
Mais ça peut créer des incompréhensions avec ses ami-e-s, des tensions dans son couple ?, de l’appréhension à être en famille …
Élargissement
Vu qu’on se sent impuissant et qu’on ne veut pas tout porter sur ses épaules, on cherche des fautifs : les politiques, les entreprises. Et c’est vrai, il font partie du problème ! Alors on va manifester, on refait le monde, … et on comprend que ce n’est pas non plus en reportant la faute sur les autres qu’on avance.
Tout ça c’est souvent beaucoup de réflexion personnelle, de nuits à cogiter.
Donc on prend sur soi et on mène tout de front : lutte globale et progrès individuels.
Pfiou, tu m’étonnes qu’on soit fatigué !
Généralisation
Après quelques temps, après s’être déjà un peu amélioré de son côté, on se dit que tout seul on ne peut pas faire changer les grandes structures, mais que par contre, on peut agir sur ses proches. Car d’ailleurs, plus on est de fous, plus on rit ! … Et plus on a d’impact sur les institutions ! (Mouahahah, oui je suis en plein dans cette phase de propagande)
On glisse alors une petite phrase par-ci, une story Instagram par-là. Et bizarrement ça fait à la fois du bien d’éveiller les conscience sur ce sujet qui nous tient désormais à cœur, mais une part de nous s’en veut de leur déclencher cette succession d’états d’esprit qui ne sont pas toujours joyeux. Même si on relativise en se disant que c’est pour la bonne cause ! Absurde n’es-ce pas cette boucle de pensée infernale ?
Et ensuite ?
Bah je sais pas, je vous ai dis que j’étais à la phase d’avant, donc pour l’instant je suis dans le déni de la suite bien sûr !
Et être dans le déni, c’est pas terrible non plus, ça peut faire peur, aïe !
Évidemment je fais une généralisation de mon cas et de ce que je pense avoir analysé de l’histoire de proches. Mais vous ? Vous avez connus ces phases plus ou moins longues ? Laquelle a été la plus pénible ?
Je pourrais essayer de faire un parallèle avec la courbe des émotions vécues lors du deuil 🤔
Être exemplaire et avoir réponse à tout ?
Vous l’avez compris, ou vous le saviez déjà, chaque phase a son lot de charges mentales. Personnellement rien que de l’écrire, ça m’y replonge, et c’est pas rigolo. Pourtant j’ai eu la “chance” que tout s’enchaîne très vite pour ma part.
Mais si je devais étayer la charge mentale la plus pénible, c’est celle de l’exemplarité. En effet, dès lors qu’on essaie d’assumer ses convictions par des actes qui changent de la norme, cela devient facilement sujet à débat. Pour que notre lutte soit crédible, on nous fait ressentir qu’on n’a pas le droit à l’erreur :
- “Tu veux réduire ta consommation de viande mais tu prends une chipolata au barbecue ?”
- “Tu dis à ton mec d’aller au taff à vélo mais tu vas au cinéma en voiture ?”
- “Tu dis qu’il faut réduire les produits à usage unique mais tu as du sopalin ?”
C’est ultra-fatiguant !! Déjà ce sont généralement des points où on s’en veut à soi-même, donc pas la peine de se prendre en plus les réflexions des autres.
Et au delà de son comportement, il faut avoir réponse à tout pour légitimer ses choix :
- “Pourquoi arrêter la viande alors que tu pourrais acheter celle du producteur d’à côté ? Et leurs emplois, tu y as pensé ?”
- “Ce n’est pas moi qui pollue le plus, alors pourquoi ce serait à nous de faire des efforts ? Ya les riches et la Chine qui doivent s’y mettre d’abord !”
- “Ok le train en France ça pollue peu, mais à l’étranger ils fonctionnent pas au nucléaire, alors est ce que c’est vraiment écolo ? Et d’ailleurs est ce que le nucléaire c’est vraiment bien ?”
- “Tu n’as pas entendu ce qu’il se passe en ce moment dans le sud de la Bolivie ??”
Exaspérant non ? On s’en rend compte, là, de la charge mentale qu’il y a à affronter ces débats ? Se renseigner ? Retenir les chiffres ? Retourner les conversations dans sa tête pour savoir ce qu’on aurait dû répondre ? Faire comme si ça ne nous atteignait pas par “peur” que cela soit mal vu et que ça déteigne sur la démarche écolo de manière générale ?
Je me dis de plus en plus qu’en réponse à certaines personnes, je devrais préparer des punchlines qui questionnent leurs normes, car c’est certains qu’eux non plus n’ont pas de réponse pour chaque acte qu’ils font, autre que le fait qu’elle soit la norme actuelle.
En attendant, si vous souhaitez être armé pour répondre aux questions les plus classiques, je vous conseille le site “Diner écolo” et les infographies du pédagogue BonPote. Mais pas de pression !
Bon et méa culpa quand même, j’ai probablement pensé, voire dit certaines de ces phrases avant, sorryyyy.
Le combo paradoxal
Tous ces sujets ça amène pas mal de fatigue, de colère (oui ça déteint peut être un peu dans l’article, oups), et de remises en question des normes.
Ce dernier point vient généralement titiller d’autres domaines : le travail, les relations, le capitalisme, le patriarcat ! Et oui, à un certain moment, surtout peut-être quand on est une “jeune femme” et qu’on sent plein d’incohérences dans son quotidien, on se rend compte que l’écologie et les luttes féministes modernes sont intimement liées, notamment dans cette notion de charge mentale. Ce qui ouvre encore pluuus de questions, et de fatigue possiblement. #combo
“Oui d’accord, mais du coup ça donne pas du tout envie de s’y mettre tout ça. Autant rester dans le déni !”
Et bien non Jackie ! Déjà au bout d’un moment tu ne pourras pas faire autrement, mais ce qui est paradoxal, c’est que finalement, malgré toute cette fatigue, ces frictions (internes et externes), ces changements (qu’on peut voir comme des privations parfois), jamais je ne me suis sentie plus alignée avec moi-même qu’en m’appropriant cette cause ! Donc fonce !
Pour vous dire même, je crois que j’ai lutté un moment contre ça par peur de ne pas avoir de personnalité, de faire “comme les autres”. Et ben “les autres” maintenant ce sont mes supers alliés qui m’aident beaucoup au quotidien, je les adore, et ça fait trop du bien d’avoir ce cercle de tolérance et bienveillance, et de ne pas être dans le jugement et la critique ! 🌈
Dans le monde il n’y a pas d’un côté le bien et le mal, il y a une part de lumière et d’ombre en chacun de nous. Ce qui compte c’est celle que l’on choisit de montrer dans nos actes, ça c’est ce que l’on est vraiment.
Harry Potter et l’ordre du phœnix, Sirius Black
Article écrit dans le cadre du challenge écolo Ma Petite Planète, pour le défi “Journaliste écolo en devenir”.
C’est un article plus blabla que scientifique ou même socio, mais c’est de ça dont j’avais envie de parler !
J’espère prendre le temps à d’autres moments d’écrire sur d’autres sujets, car ça m’a bien plu !